LE CORAN : Un défi linguistique.

Publié le 17 Novembre 2007

LE CORAN : Un défi linguistique.

Les ouvrages de sîra (biographie du Prophète Muhammad "Sur lui la bénédiction et la paix")nous relatent deux événements qui montrent l'effet du style Coranique sur certains mecquois non musulmans :

Le premier, le contexte dans lequel s'est déroulée la conversion d'Omar ibn el-Khattab. La seule lecture d'un passage Coranique, qu'il a trouvé sur une feuille chez sa soeur, a fasciné 'Omar et l'a amené à l'islam.

Le deuxième, la déclaration d'al walid ibnou-l-moughira suite à un entretien avec le Prophète dans lequel il l'écouta réciter un passage du Coran : " Par Dieu je viens d'entendre un propos qui n'est ni un propos humain ni un propos de Djinns ...Il a une douceur agréable et il est d'une beauté admirable.". Là, on voit al- walid s'arrêter à deux doigts de la foi, bien qu'il fût secoué par la splendeur du style Coranique.

Si cette beauté du style Coranique ne peut être pleinement appréciée qu'à travers une bonne maîtrise de la langue arabe, le lecteur non arabophone peut, toutefois, saisir un certain nombre d'éléments qui lui permettent d'engager une réflexion personnelle sur l'origine de ce livre. Arrêtons nous à titre d'exemple sur ces quelques traits marquants du texte Coranique :


a) Le choix des mots :

Un bédouin entendit, un jour, quelqu'un réciter ce verset du Coran :

" Le voleur et la voleuse à tous deux coupez la main, en punition de ce qu'ils se sont acquis et comme châtiment de la part de Dieu. Dieu est clément et miséricordieux " (Coran 5/38 )

Le bédouin l'arrêta pour lui dire qu'il s'était trompé dans sa lecture. "Et comment ?" demanda le lecteur. "Le ton de miséricorde sur lequel finit le verset" - répondit le bédouin - "ne correspond pas à son début qui parlait de " punition " et de " châtiment " ". Sur ce, le lecteur se rappela que la fin du verset était effectivement " Dieu est puissant et sage " et non " clément et miséricordieux " comme il l'avait, lui récité.

A l'instar de l'oeuvre divine de la création à laquelle l'homme ne peut apporter aucune amélioration, l'oeuvre divine de la révélation est, elle aussi , d'une perfection telle qu'aucune retouche ne peut être envisagée à son égard.

Voici un deuxième exemple : Dieu annonça à l'un de ses prophètes, Zacharie, que bientôt il aura un garçon. Etonné par la nouvelle, du fait de sa vieillesse et de la stérilité de sa femme, Zacharie s'exclama :

"* Seigneur ! Comment aurais-je un garçon maintenant que la vieillesse m'a atteint et que ma femme est stérile ? Dieu dit : c'est ainsi, Dieu fait ce qu'Il veut " (Coran 3 / 40).

Mais lorsque Marie, mère de Jésus ( "Sur lui la bénédiction et la paix" ), surprise elle aussi par la nouvelle d'un bébé, s'exclama :

"O Seigneur ! comment aurais-je un garçon, alors qu'aucun homme ne m'a touché ? " Dieu lui répondit : " c'est ainsi, Dieu crée ce qu'Il veut " (Coran 3 /47)

Dans le cas de Zacharie, les conditions normales de procréation (l'existence d'un père et d'une mère) étaient réunies, mais il y avait une "anomalie" qui empêchait le couple d'avoir un enfant: la stérilité. L'intervention de Dieu était donc, là, une simple action (réparer l'anomalie). Or dans le cas de Marie, il n'y avait pas de père, d'où l'intervention de Dieu dépassait une simple action de réparation; c'était une création. De là on comprend le choix judicieux des termes employés dans les deux versets : " Dieu fait ce qu'Il veut " dans le premier , et " Dieu crée ce qu'Il veut " dans le deuxième.


b) L'ordre des mots

Le choix des termes n'est pas le seul élément qui retient l'attention dans la construction de la phrase coranique. La place qu'occupe chaque mot dans la phrase est, elle aussi, le fruit d'un choix remarquable. Examinons, à titre d'exemple, les deux versets suivants tirés de deux sourates différentes :

" Ne tuez point vos enfants à cause de l'indigence. Nous vous donnerons de quoi vivre , ainsi qu'à eux. " (Coran 6/151).

" Ne tuez point vos enfants de crainte d'une éventuelle indigence. Nous leur donnerons de quoi vivre, ainsi qu'à vous " (Coran 17 / 31).

Dans les deux versets Dieu interdit aux parents de tuer leurs enfants. Seulement le premier, traite du cas ou les parents sont dans une indigence ( réelle et présente ). Alors que le deuxième parle du cas où l'indigence est éventuelle et future. Y' a - t- il vraiment une différence ? Bien sûr ! Les priorités ne sont pas les mêmes dans les deux situations. Car si lorsque les parents, souffrants déjà d'indigence, pensent d'abord à leur vivre, à celui de leurs enfants ensuite(ou en même temps à la rigueur). Il n'en est pas de même quand cette indigence n'est qu'une simple éventualité dans le futur. En effet leur vivre à eux est actuellement garanti et leur crainte porte alors sur leurs enfants qu'ils ne pourraient, peut-être pas nourrir s'ils sont plus tard touchés par le besoin.

L'ordre des mots dans les deux versets tient justement compte de ces nuances. Relisons les encore une fois : " Ne tuez point vos enfants, à cause de l'indigence. Nous vous donnerons de quoi vivre, ainsi qu'à eux "." Ne tuez point vos enfants, de crainte d'une éventuelle indigence. Nous leur donnerons de quoi vivre, ainsi qu'à vous "


c) L'harmonie des mots

Notons le nombre de fois où reviennent dans le Coran chacun des éléments des couples de mots suivants :

mots ou couples de mots traduits
mots ou couples de mots
en arabe
nombre de fois où chaque mot revient dans le Coran
les bonnes oeuvres /les mauvaises oeuvres
as-sayyi'ât /aç-çalihât
180
vie / mort
al-hayêt /al-mawt
145
ici-bas / au-delà
ad-dounia / al-'âkhira
115
les anges / les démons
al-malâ'ikah / ach-chayâtîn
88
le Paradis / le Feu
al-janna / an-nâr
77
homme / femme
ar-rajoul / al-mar'a
24
jour
yaoum
365
mois
Chahr
12

Pour conclure, enfin, cette approche linguistique du Coran, citons cette étude récente qui a souligné que le total des radicaux à trois caractères s'élève, dans la langue arabe, à 4814. On en trouve 1640 dans le Coran; ce qui correspond à 34% du total recensé dans le célèbre dictionnaire de l'arabe classique "Mo'jam aç-çihâh". Autrement dit le Coran s'est servi du tiers des monèmes à trois lettres existant dans la langue arabe. Or l'on sait que le plus doué des hommes de lettres ne peut se servir, pour s'exprimer, de plus de 5% des radicaux de la langue qu'il continue à reformuler le long de ses écrits.

Rédigé par Mouhcine

Publié dans #Sciences et Islam

Commenter cet article